Parmi les artistes emblématiques de la collection du Musée du Dessin et de l’Estampe originale, figure Gustave Doré (1832-1883). Artiste à l’imagination libre, il a exécuté plus de 10 000 dessins d’illustration, ceux-ci ont été exécutés directement sur bois et pensés en vue d’être interprétés, au burin et à la gouge, par des graveurs virtuoses. Sur les estampes les deux noms apparaissent, signés à la même hauteur, d’un côté celui de Gustave Doré et de l’autre celui de son interprète en gravure Pisan, Pannemaker…
Figure originale du romantisme noir, Gustave Doré allie expression des passions et visions grandioses pour composer des illustrations puissantes. Elles accompagnent de grands textes de la littérature mondiale (Œuvres de Rabelais, L’Enfer de Dante, Don Quichotte de Cervantès…) apportant un souffle nouveau à ces récits.
Pour illustrer les grands chefs d’œuvres littéraires de son temps, Gustave Doré fait appel à l’image imprimée, qui lui permet de démultiplier rapidement un même visuel. L’image imprimée que l’on appelle estampe, regroupe plusieurs techniques d’impression classées en quatre grandes familles : les impressions en relief (dont la gravure sur bois qui repose sur le principe du tampon) ; les impressions en creux (où l’encre à l’inverse du tampon vient se loger dans les tailles) ; les techniques en aplat où il n’y a ni creux, ni relief et les procédés ajourés (c’est le principe du pochoir).
Si au cours de sa carrière, Gustave Doré est amené à utiliser chacune des quatre familles de l’estampe, en réalisant aussi bien des gravures sur bois, que des eaux-fortes (technique en creux) ou lithographies (technique en aplat), la pratique qu’il développe majoritairement pour ses livres imprimés, est celle de la gravure sur bois et en particulier de la gravure sur bois debout. Il est aussi important de comprendre que pour réaliser une œuvre aussi importante, il ne pouvait pas se permettre de graver lui-même, chacun de ses dessins. Pour répondre à son ambition, il va donc faire appel à plusieurs graveurs expérimentés et particulièrement talentueux.
La gravure sur bois debout est une technique qui se développe essentiellement en Angleterre au XVIIIème siècle, grâce au travail et recherche de Thomas Bewick. Pour apprécier la particularité du bois debout, il faut comprendre le principe même de la gravure sur bois.
Le graveur ou l’artiste choisit une planche de bois que l’on nomme une matrice, il vient dessiner ou reporter un dessin sur son support, puis ensuite évide le bois à l’aide d’outils afin d’obtenir son dessin en relief. Il doit lors de cette étape veiller à suivre le sens du fil du bois pour ne pas créer d’éclats inattendus, son geste est donc contraint par ce fil, ce qui impacte le rendu de l’image.
La gravure sur bois debout enlève cette contrainte de devoir suivre le fil. Une planche en bois debout, est une planche assemblée de morceaux de bois qui contrairement à la coupe classique d’une planche de bois, ne se fait pas dans sa longueur, mais de manière transversale. Les morceaux de bois sont assemblés sur la tranche, il n’y a donc plus de fil, ce qui permet au graveur de pouvoir utiliser son outil, le burin, librement, en tous sens, comme s’il était sur une planche de métal. Cela permet une gravure sur bois d’une grande finesse, avec de jolis rendus de contrastes et de teintes.

